
Du latin
pedis, le
piet apporte en gallo des développements que ne connaît pas le français.
Les dérivés français apparaissent soit comme modernes (
pédestre) soit comme surannés (tel
pieter qui a donné
piéton). Ce verbe reste en usage en gallo au sens de marcher, d’où une
pietey (
marche à pied, randonnée).
Partant du sens propre, on retrouve
épiettae (
blessé au pied),
pietalh (piéton, le gallo a préféré le suffixe
–alh plutôt que
–on).
Parpiet (
empreinte du pied) est emblématique, car formé à partir du préfixe
par-. Il désigne au départ l’empreinte des piets des animaux (
lez parpiets dez chevaos ;
on vaira lez parpiets demaen matin den la neije). Son sens peut s’étendre à celui de trace.
Lez autres dérivés se forment à partir du sens figuré, celui de l’assise, du point sur lequel on peut s’appuyer. C’est ainsi qu’on retrouve
apietter (
ranger méthodiquement, aligner par le pied). L’usage du terme était fréquent dans le monde agricole :
apietter dez fagots,
apietter une javelle, ce qui consistait à la construire en mettant la paille de même niveau à la base.
Un sens secondaire existe, celui de couper une céréale par le pied (
apietter, c'etaet le coùper a la maen par le piet).
L’augmentatif est
rapietter (
regrouper des objets, les rassembler méthodiquement ;
il rapiettaent le pus gros de graen). Les participes-adjectifs
apiettae (
aligné, disposé ;
ton graen ét mal apiettae, du graen bilonjae ),
rapiettae (
rassemblé), en sont le prolongement.
À l’inverse,
dépiettae est relatif au manque d’appui. On entend par exemple que le blé est
dépiettae s’il est versé. Le verbe s’étend au sens de
faire tomber,
renverser. D’où le
sens figuré de consolider pour
pieter (
il ont pietae le brac).
Ce sens figuré d’assise, de base solide est repris dans des expressions plus abstraites.
Quand il n’y a
pus piet a vivr, par exemple,
c’est que la vie devient impossible. Avec le réchauffement climatique, notamment, il y aura de moins en moins
piet a vivr sus la Terre. Des chasseurs
face à des traces de gibier considèrent que
y a du piet. Le sens peut donc s’étendre à des investisseurs qui peuvent dire
qe y a du piet s’ils estiment
être en présence d’un gisement de profit.
Autre sens courant, celui de
manche ou de poignée d’outil (
le piet de la fourche,
le piet de la faocilhe), d’où
empietter (
emmancher un outil),
dépietter (
le démancher).
Ce dernier verbe s’entend aussi pour
dépoter une fleur, une plante.
Empiettement est le substantif le plus fréquent.
Peu entendu, mais attesté, un
apiet désigne un outil (mot à mot, qui
dispose d’un pied, c’est-à-dire, d’un manche).
Revenons à
empietter qui a un champ sémantique remarquable.
Outre l’outil, il est relatif à la chaussure qu’on met au pied. On l’entend aussi pour
prendre racine ou
mettre une femme enceinte (ce qui est analogique en un sens). On peut aussi
empietter un boqhèo, un cadeau en embrassant la personne à qui on les remet. D’ailleurs, dans notre monde moderne, on peut étendre le sens à la signature d’un compromis de vente en affirmant qu’on
empiette la vente.
En matière d’élargissement sémantique,
terpiet (
trépied) recouvre aussi le sens figuré de trio.
De nombreux autres termes se sont composés à partir de
piet.
Le
sourpiet est l’élément qui retenait la guêtre sous le pied pendant qu’un
coù-piet protégeait le haut du pied dans les sabots. Un
secoue-piet est un
paillasson.
D’autres noms composés sont plus péjoratifs comme un
piet-sour-tabl qui désigne un
pique-assiette, un
piet-de-beu qui réfère à un
rustre, un péquenot ou un
piet-de-pourcèo qui évoque une
personne fourbe en affaires. Plus concrètement, un
piet-de-coùtèo désigne un
couteau (mollusque), un
piet-de-vent, un
nuage effilé blanc, une traînée nuageuse.
Piet a aussi le sens de
tige ou
tronc pour un végétal (un
piet de chou, un
piet de cheyne).
Du
jan de piet, c’est de l’
ajonc d’un an, qui dispose d’une tige assez solide. Mais c’est plutôt par métaphore que le terme est repris dans le domaine de la flore. C’est ainsi que la forme de la renoncule la fait désigner sous le terme de
pied-de-poule ou
piet-coq. On connaît aussi le
piet-de-corniy (
jacinthe) et le
piet-de-grifon (
hellébore). Le
piet peut simplement s’appliquer à
la queue de cerise (
dez piets de badiys).
À des termes français, peuvent se substituer des tournures.
Aler de son piet, entre autres, traduit
aller à pied pendant q’
ûne route de piet désigne
un sentier piétonnier (
on prenaet une route de piet par la criyere ;
une vyette, c'ét une route de piet ).
La mauvaise herbe peut
prendr piet sus le fourment, c’est-à-dire, empietter sur celui-ci, le
dépasser (
l'erbe naire, ol prend piet sus le bllae ).
Une danse de Basse-Bretagne s’appelle le
pachpi. Ce terme n’est que l’altération de
passe-piet qui est aussi une danse de Haute-Bretagne.
Une personne tenace ne
lâche pas piet.
Partir ao grand catr piets, c’est
partir à toute vitesse, les quatre pattes à la fois.
Parmi les autres expressions les plus remarquables, on citera
rester en piet de pelle (
rester à la traîne ;
il ét restae en piet de pelle),
jouer du piet cantë la fleùte (
jouer à merveille,
fonctionner harmonieusement).
Annexe
Ce texte et les prochains sont davantage développés dans le livre "Come il dizent par cez nouz" de Patrik Deriano publié par les Editions Label LN.