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Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Pilhot"


PILHOT


Produit du latin pilleum (chiffon), ce terme s’est largement développé dans l’ouest de la Romania sans qu’il ait paru nécessaire de faire évoluer son sens.

Il est vrai qu’à une époque où la misère obligeait à conserver ses effets aussi longtemps que possible, l’usage du pilhot était devenu d’une grande banalité.

Phonétiquement, comme nous sommes en présence d’un yod, ce –ilh peut évoluer vers la voyelle centrale [ɘ], notamment vers le sud (peilhot). Par commodité, cette présentation se poursuivra exclusivement à partir du radical «pilh».

Mais qu’est-ce que le pilhot ? Par l’adjonction de ce suffixe –ot, le pilhot, de manière générique, représentait toute guenille, haillon ou loque. Ce n’était qu’un chiffon, le plus souvent de laine, celui-ci étant récupéré et refilé. Par extension, jouer au pilhot, c’était jouer au bouchon, le chiffon remplissant sans doute ce rôle. Par ailleurs, pilhot a aussi représenté la langue en tant qu’organe, d’où un bec-de-pilhot pour un bavard.

Populairement, le terme est repris aujourd’hui au sens de fripes, d’où un marchand de pilhots pour un fripier, et qui exerce bien sûr dans une pilhoteriy (friperie). De manière très péjorative, la profession de vendeur de vêtements peut être désignée sous ce terme, mais avec une certaine retenue quand même.

Des dérivés classiques apparaissent tel pilhotier (chiffonnier) ou pilhotouz, entendu le plus souvent autrefois pour celui qui passait récupérer les vêtements usagés de maison en maison. Pilhotouz est aussi l’adjectif qui qualifie celui qui est guenilleux, plus exactement, qui porte des haillons. Il est concurrencé par pilhotu de même sens (loqueteux, déguenillé, haillonneux, en lambeaux). Pour en arriver là, il a fallu que les vêtements s’épilhotent (s’effilochent). Il n’en résulte que du pilhotai (effilochures).

De par son caractère insignifiant, les dérivés avec diminutifs apparaissent vite. Pilhette, par exemple, représente au mieux un petit chiffon, mais le plus souvent, c’est une effilochure. C’est aussi une peluche de tissu, un lacet de soulier, et même, le pénis de l’enfant. Avant cette effilochure, il a fallu que le tissu s’épilhette (s’effiloche). Il devient alors épilhettae, ou épilhotae (en haillons, en loques). L’adjectif est même repris pour de l’orge qui est ébarbée (ol ét épilhettey).

Un autre suffixe le concurrence: -ache.

On retrouve les mêmes sens dans épilhacher (effranger, déchirer en petits morceaux, effilocher) et bien sûr l’adjectif qui en résulte, épilhachae (effrangé, effiloché, deguenillé; y en araet ben dez "jeans" à recoudr, lez jieunes lez aement mieuz épilhachaes).

En matière de préfixe, se présente dépilher qui apparaît plutôt comme un augmentatif (effilocher, user ses vêtements exagérément). Il est repris au figuré au sens de dénigrer. Celui qui use beaucoup de vêtements se voit attribuer le titre de dépilhouz. Ce terme peut donc revenir également à un calomniateur.

Épilher recouvre des sens plus spécifiques, comme par exemple, arracher en pinçant. C’est pourquoi on le retrouve pour évoquer l’effilage des haricots et même, par extension, l’élagage de petites branches.

D’autres dérivés apparaissent, mais dont l’usage est plus mesuré.

Ainsi en est-il de herpilher (probable altération d’un augmentatif erpilher*, laisser traîner quelque chose).

Autre augmentatif: terpilher (détirer, un vêtement le plus souvent). On entend également trapilhard (tablier en haillons) qui a pu se construire depuis drap-pilhard*, un peu comme dravilhot (vieux tissu servant d’essuie-mains) a pu se construire depuis drap-pilhot*.

L’origine est plus discutée pour pampilhe.

On peut avoir un radical pilh- devant lequel s’est fixé un déverbal de pendre, mais l’hypothèse la plus couramment admise est celle d’un radical pamp- (peut-être la même que pampre) sur lequel s’est fixé un suffixe péjoratif –ilhe.

Quoiqu’il en soit, ceci nous ramène au déverbal pilhe, repris sur le plan végétal pour désigner l’aiguille de pin ou même le brome, le vulpin des champs.

C’est ce même radical qui a servi à construire le verbe pilher, qui évolue à l’identique du français piller.

Cette dérivation sémantique serait apparue au Moyen-Âge et la guerre de Cent Ans n’aurait fait que la populariser. Cette idée de ne rien laisser après soi apparaît encore lorsque des bovins broutent une prairie au ras du sol et on dit alors que c’ét pilhae, q’il l’ont pilhey. Le pronominal se pilher (se battre) est un autre souvenir de cette époque médiévale. Il a dû se former par homophonie à partir du roman houssepiller et qu’on retrouve encore dans le verbe sepilher (secouer, maltraiter, surtout au figuré; il s’ét faet sepilher).

Depuis pilher, le gallo a aussi ses dérivés propres qui peuvent suivre leur propre route.

Ainsi de pilhaije qui paraît coller au français piller, mais offre dans l’expression sus le pilhaije (complètement abandonné; tout r’la ét à la horey aotourn de cez lu, c'ét sus le pilhaije) un développement particulier.

De plus, deux suffixes d’agent se concurrencent. On connaît d‘abord pilhouz (pilleur, pillard, ravageur), mais on entend davantage piant qui est la contraction de pilhant*. Sa définition est celle de bandit de grand chemin, brigand, pillard.

Et si cette activité n’existe plus, le terme a été repris comme adjectif pour qualifier un coquin, une personne maline, scélérate, prête à s’emparer du bien d’autrui avec un certain acharnement.

Ceci convient tout-à-fait pour désigner un hacker, car n’est-ce pas son affaire ?


NB: les termes terminés par une astérisque (*) sont des termes reconstitués.