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Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Saqer"


SAQER


L’étymologie du terme français qui s’en rapproche, saccade, nous ramène inévitablement à ce verbe « vivant notamment dans les dialectes de l’Ouest ».
    Celui-ci, que Von Wartburg fait dériver de sac, peut être considéré comme spécifiquement gallo, sans lui être exclusif pour autant. On le retrouve en castillan sous la forme sacar (enlever) ce qui laisse penser qu’il a dû avoir une aire d’emploi très étendue.

Car, chez nous, saqer, c’est tirer par à-coups, d’un coup sec, par secousses. Il porte l’idée de brusquerie et de violence, si bien qu’il vaut aussi pour décocher, arracher brutalement. On saqe d’ûne pate cant on boite. Un chien peut vous saqer ez qhettes (mordre dans la jambe en tirant à lui). Et même, on ne peut plus saqer son alene quand on manque de souffle.

De fait, le champ sémantique du verbe s’élargit à tout mouvement effectué avec vivacité, ce que nous allons vérifier par des exemples.
    Au-delà de tirer, saqer, ça peut être déblayer (lez efants, yeùz, saqaent ao qhu de la machine).
    Ça peut être arracher (saqer ûne dent ; je vaz te saqer du pailh).
    Ça peut être casser les mottes dans un champ.
    Ça peut être lancer, jeter avec force (il li saqit son coùtèo den le ventr).
    Ça peut être vider très rapidement (on saqit un coupl de boutaelhes de vin).
    Ça peut être rabrouer violemment (il s’ét faet rudement saqer) et même renvoyer, mettre à la porte.
    Retenons également l’expression saqer sa bride que le français rend plutôt par ronger son frein.

Si le plus souvent, saqer s’attache à l’idée de tirer, il peut aussi évoquer l’idée de lancer avec force.

Plus couramment, on saqe une allumette pour allumer sa cigarette. Mais très souvent, ce radical s’adjoint des préfixes.

Le premier est le préfixe a- (assaqer). Par celui-ci est évoquée l’idée de coup sec, de secousse, de saccade lorsqu’il s’agit de tirer (il assaqe le graen de dessour le bateur). Disons que c’est tirer à soi. Le participe-adjectif assaqae vaut alors pour saccadé.

L’autre préfixe est de- (dessaqer). Ce verbe est pratiquement synonyme du précédent car il signifie également tirer brutalement, enlever en tirant, retirer. On l’emploie par exemple lorsqu’il s’agit d’effiler de vieux tricots. On entend aussi dessaqeter (effilocher) et le produit en est la dessaqeùre.

Le sens figuré n’est pas absent.

Dessaqer, ça peut aussi signifier partir vite, en raison de la rapidité d’exécution, s’élancer tout-à-coup (cf l’expression familière se tirer). Quant à l’adjectif dessaqae, il reprend tout simplement l’expression tiré à quatre épingles.

Un troisième préfixe s’accorde avec saqer : l’itératif re- (ressaqer ; retirer brusquement, ressortir d’une situation difficile, récupérer). Indifféremment, il peut alterner avec rassaqer (il taet chait den l’iao e il l’avaent rassaqae). Son déverbal ressaq est également usité communément avec le français.

Passons aux suffixes.

On a vu plus haut dessaqeter. En fait, il agit comme un augmentatif de saqeter (produire des saccades ; il done dez gouleys a la machine, ça saqete).

Le suffixe le plus fréquent est –ey car il peut ici être ambivalent.
    S’il peut valoir pour la quantité, c’est surtout pour la durée qu’il est retenu. Il a valeur de saccade, effort, coup de collier (en mettr ûne bone saqey). Si ça vient a saqeys, c’est que ça vient par à-coups. C’est la marque de l’irrégularité : il ne va qe par saqeys revient à dire il ne va que par intermittence, de manière irrégulière. Le terme ne représente qu’un court temps de besogne (j’ae core ûne échamey a faere, ûne falhiy saqey).

De par son caractère éphémère, on ne sera pas surpris de le voir se lier à un diminutif. Un saqhet représente un effort bref (faere un saqhet), voire même ce qui provoque un mouvement saccadé, une secousse. Par ironie, on rencontre aussi son féminin, saqhette, qui s’applique à une fille de moeurs légères.

Ceci nous amène aux fréquentatifs.

C’est le verbe sacoter (tirailler) qui s’impose (il ne saqe pas ton chevao, il ne faet qe sacoter). Le sens s’étend donc à mal travailler, mal faucher, d’où un sacotouz pour un mauvais faucheur (un sacotouz, sa faoc ét tout le temp a terre).

Terminons-en comme si nous passions à table et que nous devions faire usage de la saqoere (salière). En effet, on l’utilise en donnant de brefs à-coups, de petites saqeys, d’où le nom qi lui est donné.