ACADEMIY DU GALO

Académie du Gallo


(retour index)

Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Le feu"


LE FEU


Prendr ûne pogney de feu

Le latin focus désignait au départ le lieu où il y a du feu, le foyer. Il a supplanté son synonyme ignis qui ne lui a pas survécu.
    Son évolution a abouti à feu dans les langues romanes. Quelques dérivés lui font écho en gallo.

Son évolution phonétique (o → eu) est parallèle à celle de jocus jeu.

Les expressions reprenant feu reflètent des modes de vie spécifiques.
    Ainsi de boêz de feu pour bois de chauffage qui nous rappelle que le feu ne servait pas qu’à se chauffer mais aussi à la cuisine. En contrepartie, le feu saovaije s’applique à la suie incandescente bien mal venue quand elle tombe de la cheminée.
    On vient prendr ûne pogney de feu quand on veut se réchauffer les mains.

Il est considéré comme un être vivant puisqu’on ne l’éteint pas, mais on le tue. Il ne s’arrête pas, mais il se coùpe. Une rayey de feu comme une baoley de feu évoquent une flambée vive.
    Par contre, un feu de gheuz est un feu misérable, sans vigueur. Guère mieux, un feu de routace est un feu qui ne tire pas bien. Un lieu sans vie se remarque par le fait qu’il n’y a ni feu ni fllame.

On ne s’étonnera pas que son usage soit également prégnant au sens figuré.

Une personne sérieusement malade subit le feu de la fieuvr (l’ardeur de la fièvre). Et pour une personne victime de brûlures, celui ou celle qui en a le don peut coùper le feu.
    Au niveau du commerce, y a le feu sur un produit si la demande est forte sur celui-ci, si les cours sont élevés. On franchit un degré dans la gravité lorsqu’il y a le feu den lez fagots car à ce moment-là, il y a urgence, c’est la panique. Le fagot est en effet un combustible qui s’embrase avec une flamme très vive.

« Du feu dessour ! » requièrent les danseurs pour une animation plus vive dans une fête.
    On comprend facilement que le feu s’applique également au rut. On reste dans le domaine de la température avec le mauvais goût qu’un vin a pris par forte chaleur et dont on dit qu’il a le gout de feu.

Au point de vue des couleurs, rouje feu correspond à rouge écarlate.
    Faisant suite, sur le plan végétal, la pivoine se révèle pour nous comme une boule de feu et le feu Saent-Lorand est un des noms accordés au lychnis en raison de sa couleur vive. Mais c’est plutôt à l’impétigo que s’applique le terme en raison des inflammations qu’il fait subir à celui qui en souffre.

Dans le domaine maritime, une bouey a feu est une bouée de balisage munie d’un dispositif lumineux.

Revenons vers l’âtre dans lequel le chaen de feu désigne le chenêt, ce qui est une reprise de son étymologie.
    On connaît aussi partout le tréfeu (parfois métathésé en terfeu). Il connaît deux acceptions. C’est le fond de l’âtre, sans doute désigné ainsi parce qu’il est derrière le feu, étymologiquement, « outre le feu ». Mais le tréfeu, c’est aussi la grosse bûche pour entetenir le feu dans l’âtre. Il a donc pu désigner la grosse bûche de Noël qu’on mettait en valeur à cette occasion. Par extension, il a même pu désigner la saillie pour accrocher la trémaillère. Comme on peut le voir, un âtre ne se conçoit pas sans tréfeu, quelque soit le sens qu’on lui donne.

Cet âtre, d’ailleurs, ne s’entend que sous le vocable de foyer (ou fouyer) ou plus précisément pierre du fouyer.

Le préfixe ter- l’accompagne à nouveau pour désigner un petit renfoncement dans le coin droit de l’âtre, le terfouyer par conséquent, et dans lequel on conservait la braise.

Dans ce foyer s’épanouit la fouey dénommée aussi fouey de feu par redondance.

Le terme s’est d’ailleurs bien conservé dans le français régional pour évoquer les foueys de Saint-Jean, si évocatrices qu’elles finissent par désigner tout feu de joie.
    La fouey de feu peut se traduire par flambée ou bûcher. L’expression désigne avant tout un feu ardent, vif, un brasier.
    Pour obtenir ce feu, on devait aler a sa fouey, c’est-à-dire, chercher du bois mort.
    Sur les bateaux, le feu étant prohibé, on ne peut se réchauffer qu’en se battant les flancs, ce qu’ils appelaient faere une fouey de matelot. L’expression est bien sûr reprise à terre à chaque fois qu’il n’existe pas d’autres moyens de se réchauffer.
    Les foueys de bone fame désignent de manière allégorique la ménopause en raison des réactions physiologiques dues à cette période.

Par synecdoque, la fouey peut désigner un morceau de bois destiné à faire du charbon. Ce sens était fréquent dans la bouche du foueyouz qui est aussi le charbonnier faisant du charbon de bois en forêt. On est là, à notre connaissance, devant le seul cas où un suffixe d’agent se greffe sur un terme exprimant un contenu.

De par sa nature, feu connaît peu de dérivés.

Ceux-ci se forment plutôt depuis la forme ancienne fou-, tel par exemple, afouer (étymologiquement, qui prend l’aspect du feu) qui a le sens de rougeoyer. Il peut aussi prendre la forme pronominale (s’afouer).
    L’adjectif qui en découle, afouae, s’attache donc, soit à la couleur (rougeoyant, empourpré, écarlate), soit à la propriété du feu (ardent, incandescent). L’afoueriy traduit donc l’incandescence et par abstraction, l’ardeur.

La foualhe représente la matière combustible alimentant le feu, surtout lorsqu’elle active son ardeur. Plus généralement, c’est le cas des broussailles.
    D’où le verbe foualher qui s’est plus particulièrement attaché à décrire un aliment fortement condimenté qui brûle le gosier. Ce même verbe, lorsqu’il a le sens de fouetter, est dû à la rencontre avec l’étymon de ce verbe, soit le latin fagus et qui nous fait entrer dans un autre domaine que nous pourrons explorer par ailleurs.

Un diminutif s’est établi, foughette (nom fem), que le français traduit par fusée (au sens premier du terme) et qu’on connaît plutôt aujourd’hui comme pétard.

Pour terminer, pensons à notre palais en évoquant la fouace, ce gâteau du pays nantais, qui a même donné son nom à une commune, la Haie-Fouassière. De même étymologie que le feu, son nom est venu du fait qu’il était cuit sous la cendre. On le vendait sur les foires et son fabricant est un fouacier. Il n’est pas exclusif à la région nantaise puisqu’on le retrouve également en Vendée et dans le Rouergue, et sans doute aussi ailleurs, mais il eût été dommage de ne pas le citer, car faisant également partie intégrante de notre patrimoine.