ACADEMIY DU GALO

Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Leyer"


LEYER


dézalier le jaone du bllanc

Cette forme est l'évolution régulière du latin ligare.

Cependant, il a pu se réduire à lier comme en français par analogie avec secatsier ou negatnier.
    Ce sera le cas en particulier avec les dérivés comme on va le voir plus loin.

Il a gardé le même sens qu’en latin (attacher, lier, assembler, entourer, joindre, s’enrouler). Celui-ci va cependant s’appliquer d’avantage aux gestes quotidiens des gallos d’autrefois, pour lier une gerbe ou un chargement par exemple ou constituer le cerclage d’un tonneau. Bien sûr, ses nombreux dérivés conservent la relation à ces thèmes.

Sa réduction à lier se manifeste entre autre en conjugaison (ça lie le graen) car elle fait l’économie d’une palatalisation.
    Le déverbal li s’attache à ce qui sert à lier et désigne une bandelette ou une sangle pour tenir une meule de paille par exemple.
    Mais ce déverbal se retrouve aussi au féminin : la liy représente de l’osier ou un long câble de chanvre pour maintenir la fûtaille en cours de manipulation.

Les dérivés offrent une large panoplie des possibilités de dérivation du gallo.

De leyouz (agent, celui qui lie), nouz avons leyeuze (ou lieuze, moissonneuse-lieuse), leyey (ou liey, largeur de six andains étendus qui forment une unité d’opération). C’est aussi un rang de branches, ou le temps pendant lequel deux boeufs travaillent ensemble (en effet, ils étaient liés au joug et pendant les repas, on les déliait). On peut donc étendre le sens à une session de travail ou un segment d’opération.

Se délier, c’est aussi se séparer, se disperser à la fin d’un rassemblement. Quand elle se terminait, la foire autrefois se déliaet, d’où le déli qui peut traduire aujourd’hui la dispersion des manifestants à la fin d’une manifestation.

Un autre préfixe, que le français a bien retenu également, s’attache au radical, le préfixe a-. En gallo, son usage diffère quelque peu.
    Certes, il a bien le sens de regrouper, rassembler, voire rejoindre, mais il est plus entendu pour un essaim d’abeilles d’où le cri d’appel pour celles-ci : ali ! ali ! et le substantif s’attachant à désigner un essaim suspendu à une branche.

S’alier revient aussi à se marier, d’où l’adjectif aliae correspondant au français par alliance (al ét aliey den ma familhe).
    S’alier, c’est aussi se vriller pour une plante.
    Aliant est relatif à la bonne disposition à s’allier, d’où le sens figuré de sociable, accomodant (du monde aliant come vouz). On peut même l’étendre au sens de compatible pour deux plantes par exemple.

Par antonymie, dézalier revient à dissocier, séparer (dézalier le jaone du bllanc d’un eu).

Le substantif lian (beaucoup plus fréquent que leyan) est d’un usage quasi-emblématique. Il désigne le lien de gerbe ou de fagot le plus souvent, mais en fait reprend tout ce qui sert à lier : cercle de tonneau, lien de quenouillée, longe, attache des bovins.
    En ce qui concerne ces derniers, les mettr a lian, c’est les attacher, d’où l’appel « a lian ! » pour qu’ils rejoignent leur emplacement à l’étable.
    Par extension, cette expression qualifie aussi une tâche parfaitement accomplie. Il arrive aussi qu’on remette quelqu’un a lian lorsqu’on doit le remettre à sa place, ce qui s’entend au sens figuré.

L’adjectif homophone liant est également très usité.
    Concrètement, être liant, c’est être agile, leste, souple, aussi bien pour un objet (od de la palhe q’ét ben liante, y avaet de l’aeze a lier).
    Mais au figuré, c’est aussi être courtois, lier facilement conversation. L’adjectif peut être repris comme adverbe au même titre que liantement (lestement, souplement).

Aliantir revient à assouplir, ce qui n’est pas exclusif au corps. Les potiers faisaient usage d’une terre à pot aliantiy (rendue souple, plastique, malléabilisée). On peut alors extraire liantour (souplesse, agilité, mais aussi malléabilité ; la terre jaone avaet pus fort de liantour).

Liaije s’entend d’avantage avec un sens figuré. Bien qu’il désigne localement le chèvrefeuille, on le retrouve plutôt au sens de contrat, d’engagement. Il était en effet relatif à la location des valets, commis, servantes. C’était en quelque sorte le contrat de travail.
    Le déliaije, c’est-à-dire, la rupture de ce contrat, pouvait s’effectuer au bout d’une semaine si l’une des deux parties le souhaitait, celle-ci constituant la période d’essai. Déliaijer ou se déliaijer, c’est alors rompre ce contrat, cet engagement.

Plus réductif ou familier, la leyette (ou liette) se rapporte d’avantage à un lien en osier. Par synecdoque, c’est aussi l’osier lui-même. Mais le terme est générique pour désigner une attache, un lien de gerbe ou de fagot et ça peut même être une baguette flexible et parfois il s’entend pour du liseron. Il semble cependant qu’il désignait au départ le lien pour une gerbe de lin ou de chanvre. On a aussi lietteùre retrouvé pour un lien de cercle en osier ce qui marque bien le lien entre ce diminutif et le végétal.

On reste dans le domaine végétal avec liace (branche flexible) et son quantitatif liacey (liasse, tresse, d’oignons ou d’ail, botte de légume) qui peut s’étendre parfois au sens de grappe ou de fagot (ûne liacey de boêz).
    Son synonyme liaçon n’a été entendu que pour des oignons. Enliacer, c’est bien sûr mettre en liasses, mais aussi se vriller à la forme pronominale.
    L’adjectif enliaçae, ou mieux enterleyaçae, poursuit cette direction avec le sens d’enchevêtré, entremêlé.

On retrouve aussi lieùre au sens de ligature. Bien sûr, une nouvelle fois, le sens a pu s’étendre à corde et à tout ce qui sert à lier, d’où le verbe lieùrer (ou liurer) pour ligaturer et parfois lier à l’aide d’une corde.

Un certain nombre de dérivés, bien que moins attestés, doivent néanmoins être cités.

On connaît par exemple leyalhe (ou lialhe) pour désigner de manière générique ce qui sert à attacher (soit une corde le plus souvent).
    Le liement ou la liriy représentent l’action de lier.

Le préfixe itératif, à cause de sa consonne liquide, permet de mieux conserver l’étymon ley-.

Releyer se rapporte plus au lien de fûtaille qu’il faut resserrer chaque année avant leur réutilisation. Le tonnelier se fait ainsi appeler parfois le releyouz de futs, et, petite digression, a parmi ses outils un tire-lian dont on devine l’usage.
    Mais le releyouz, c’est le relieur de manière générale. La reliance se rapporte à une liaison au niveau des transports (par exemple, la reliance sus maer entr St-Malo e Porthsmouth).
    Remarquons aussi que ralier s’emploie avec le sens de rejoindre pour deux chemins (la coêzey dez chemins, ça taet deuz chemins qi se raliaent). Cette jonction s’exprime alors par le féminin raliey qui peut s’étendre au sens de conjonction.

Autre préfixe, entr- qui entre dans enterlier (lacer, en effet les lacets se croisent).
    À nouveau, on entre dans le monde moderne avec le néologisme entr-aliance qui se rapporte à un cartel.

Déliaper nous offre une curieuse suffixation lexicale. On l’entend pour de la viande trop cuite qui part en lambeaux, se délite. On peut bien sûr le reprendre au figuré pour dire par exemple que notre économie se déliape.

Déliae rejoint le français dans son sens de souple, lisse ainsi que celui de matois, rusé, retors, mais il y ajoute celui qu’on vient de rencontrer avec déliaper, car il se rapporte aussi à du pain trempé dans la soupe et qui a perdu sa consistance.

Par dérivation articulée, le verbe leyer se lie aussi avec tourn pour former tourliyer (vriller). D’où le terme de tourliy ou tourliyette pour désigner le chèvrefeuille.
    Tourliyer, c’est aussi saucissonner. Se tourliyoner (se vriller) paraît plus expressif pour évoquer l’idée de torsion, d’où tourliyoney pour un paquet torsadé.

Entourliyae rejoint ces termes au sens de vrillé, le verbe se réalisant à la forme pronominale (s’entourliyer).

Ceci nous ramène au monde végétal où le liseron trouve sa désignation (liorne, liaene) à partir de ce qui est sa caractéristique principale. Ce second terme est d’ailleurs à rattacher au français liane qu’il traduit véritablement. On connaît aussi la lioche (viorne) ou le lierje (chèvrefeuille des bois).