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Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Gras"


GRAS


le graesset

Du latin crassus signifiant à l’origine épais, nous disent les dictionnaires étymologiques, son emploi expressif l’a orienté vers le sens de gros. La proximité sémantique avec l’étymon grossus y a sans doute contribué.

Son usage en gallo se réduit au domaine du concret avec des extensions d’emploi y compris quand il est repris comme substantif.
    Un pré gras est un pré fertile. Un gras d’aeve est un lieu humide et les champs humides peuvent être dénommés les gras.
    Le gras de jambe réfère au mollet. Le gras de charrette se rapporte quant à lui au cambouis.
    En hiver, bien souvent, il ne fait pas gras, euphémisme pour dire qu’on subit un temps maigre. C’est une bonne période pour manger de la soupe grasse (soupe de pot-au-feu). Son emploi est parfois appuyé, puisqu’être gras a lard, c’est être obèse.

Les festivités du Mardi Gras ont une empreinte telle que le terme s’est étendu à la désignation d’un personnage loufoque, grotesque, portant un masque ou un accoutrement ridicule, un bouffon (il a l’aer d’un vrai mardi-gras).

Au niveau de la flore, l’erbe grasse se rapporte au chénopode, le gras-mouton au fumeterre, le laetu gras au laiteron, la poule grasse à la lampsane, mais cette dernière peut aussi désigner le nombril de Vénus. Un autre nom pour ce dernier, gras de Jeniy, doit être une altération pour « gras de jeline ». la jeline étant la poule, ceci nous ramène à la poule grasse.
    Certains de ces termes sont aussi plus ou moins reconnus en français.

Le pourcèo gras est couramment utilisé pour le cloporte.

Parmi les sujets de comparaison, outre le personnel religieux, on y ajoute la limace (gras come ûne loche, un lochon, un recteuz ; gras comme un moine).

L’adjectif est repris comme adverbe.

Le recteuz nommé précédemment est , on l’a vu, réputé être nouri gras. Peler gras, c‘est peler de façon épaisse, jeter gras, gaspiller. Avec grassement, le sens de copieux apparaît plus clairement (d’aotr fais, lez jens ne manjaent pas grassement, pas tourjous a lour content).

Un mets insuffisamment cuit est gras-qheit. On peut supposer qu’à l’origine, on entendait « gros qheit » (cuit grossièrement), mais que le /ɔ/ a fléchi en /ɑ/, ce qui nous rappelle que, phonétiquement, la frontière entre gros et gras est poreuse.

Comme dérivé, on connaît grassieuz (grassouillet ; al ét point grossiere, ta poupone, maez al ét ben grassieuze). On verra plus loin grasseriy sous le développement de graesseriy.

Les autres dérivés se greffent sur graesse.

Ce terme est une flexion du bas-latin crassia, formé sur l’adjectif crassus.
    Sur le plan sémantique, il ne recouvre pas forcément le caractère dévalorisant du français. Il ne désigne pas seulement la graisse, mais aussi l’engrais.
    En certaines occasions, il va même jusqu’à se rapporter à l’excellence, au meilleur de ce qu’une plante peut apporter (il dizaet cant falhaet coùper le fein pour q’il araet étae den sa graesse).

À partir de cet adjectif, de nombreux dérivés fleurissent.

Graesser a intransitivement l’acception d’engraisser ou être gras. Outre le sens de son équivalent français, il a aussi le sens de fertiliser, mettre de l’engrais : un champ sans engrais n’est pas graessae. C’est aussi enduire, tartiner (graesser son paen). Graessae est donc ambivalent et recouvre le sens de enduit de graisse comme celui de gras.
    Du graessinaije revient à définir un aliment gras, riche en calories. Ce qui est riche au point de vue énergétique est graessif (le Red Bull est une boisson graessive).

De là, le privatif dégraesser qui revient aussi à défertiliser.
    En outre, le faucheur n’avait d’autre choix que de dégraesser la pierre (redonner du fil à la lame de la faux lorsque celle-ci avait perdu de son tranchant). Mais surtout, on doit se dégraesser lez dents lorsqu’il faut se mettre à la diète, qu’il faut manger moins. Par extension, se dégraesser, c’est aussi occasionnellement suivre un régime.

Au niveau des préfixes, à cet étymon, il faut ajouter en gallo le préfixe a- (agraesser) comme dans s’agraesser la goule. Naturellement, on connaît aussi engraesser et engraessement (dez beytes d’engraessement, des bêtes à l’engrais).

Graessouz (graisseux) s’étend à gras, onctueux. En tant que substantif, c’est bien sûr le graisseur qui effectue la graesseriy (graissage).
    En fait graesseriy et graessaije alternent souvent leur sens entre l’action de graesser et la désignation d’un corps gras, de la graisse au sens de lipide. D’ailleurs, on nomme graesseriy ce mélange de jaune d’œuf et de saindoux pour graisser la tuile à galette (cf grasseriy cité plus haut). Ce mélange pourra être enduit avec le graessoer ou le graesson, chiffon qui a usage de graisseur à galettes.
    Ce dernier terme s’applique aussi à un animal gras bien à point pour être tué, surtout en parlant des porcs. Il peut aussi désigner la dernière crêpe (souvent la cinquième car c’est à celle-là qu’on arrive à satiété).

Par ironie, on va en étendre le sens au dernier-né, au benjamin.

Sous la même acception, on entend encore graesset qui s’applique aussi à la lampe à huile.

Dans un autre domaine, le graesset, qui a pour variante graesselet, nomme la grenouille grise, la rainette.