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Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Virer (2/2)"


VIRER (2/2)


La dérivation par les suffixes est aussi féconde que celle des préfixes.

Le plus simple est sans doute virey (tournée, ronde).
    Virant est également entendu pour virage (den lez tournants e lez virants), même s’il est moins attesté. Prendr son virant, c’est, au cours d’un travail en groupe tel les moissons ou les vendanges, reprendre le travail dans le nouveau rang et dans le même ordre que précédemment.
    Viraije est bien attesté, mais le monde maritime lui accorde un autre sens dans la mesure où le viraije du chalut décrit la remontée de celui-ci.
    Le viret désigne un escalier tournant plus petit sans doute que le vire (un viret a demi-rond od sa tourelle).

Mais on s’oriente vite vers des suffixes plus péjoratifs ou dépréciatifs.

-Aod vient se greffer sur vir- et on obtient alors viraod au sens de lunatique, qui change vite d’avis. Repris en substantif, il décrit donc une personne instable. Viraoder, c’est aussi tourbillonner, comme viralher, son synonyme. Ce même suffixe –alhe est au départ de l’adjectif viralhouz (en virages, sinueux ; féminin, viralhoere : le chemin ét viralhouz, la route ét viralhoere).

Le suffixe -ole va nous conduire vers l’idée de vrille, d’entortillement. Si la virole représente, outre une virole comme en français, une rondelle, une vrille, elle s’étend aussi au sens de liseron. On peut même entendre que c’est a la virole, ou virolae, si c’est en accordéon, bien qu’il s’agisse d’un mouvement différent, mais peut-être simplement par résultat analogique.
    On est moins surpris du sens de lové pour virolae (ûne caleuvr viroley). Viroler exprime l’idée d’entortiller, de tourbillonner. C’est aussi rouler des yeux ou loucher. C’est même tracer des sillons sinueux ou, par extension, battre la campagne.
    Se viroler, outre se vriller, c’est aussi se détraquer. Globalement, disons que c’est s‘écarter de son axe de rotation. Il arrive d’ailleurs que dans l’espace, des satellites virolent au terme de leur utilisation et finissent par se désintégrer dans l’atmosphère.

A la suite, on découvre virolouz au sens de plaisantin, fumiste, bouffon, sans doute parce qu’il tourne tout en dérision ? Virolet est aussi repris pour une petite virole ou un vilebrequin, voire même le phallus par allégorie.

Autre suffixe, -on se confine d’avantage à un caractère diminutif puiqu’un viron représente un méandre ou un tourbillon. Vironer, c’est donc tourbillonner, serpenter, tournoyer et par extension, flâner autour de la maison ou tourner autour d’un point fixe (il seraet ben mieuz a fagoter q’a vironer aotourn de mez cotilhons). Vironette s’attache à décrire un petit méandre.

À vir-, peut s’ajouter une forme suffixale à diphtongue.

C’est ainsi que le viroer représente le cabestan ou le treuil d’un puits, ce dernier étant désigné également sous la forme virouaod. De là, virouaoder qui rend le sens de manoeuvrer un treuil, treuiller (on virouaode pour rôter la chaerrette).

On retrouve cependant vite la péjoration avec virouace (zigzag, détour) qui peut se fermer en virouice ou virouicer (virouicer la mecaniqe : tourner la batteuse). Viroualher, verbe intransitif, est attesté au sens de tourbillonner.

Le vircouet (virage, détour ; au féminin, vircouette est rarement entendu), est un dérivé particulièrement attesté qui s’accompagne lui-même de d’autres dérivés. On pense en premier lieu à vircouetter (virer, zigzaguer). Largement attesté, son second élément reste cependant obscur. Le plus vraisemblable est qu’on a là un composé de virer et de couetter et qu’en fait le substantif est un déverbal qui s’est largement imposé. Vircouetter peut s’élargir au sens de faire des écarts, des détours, au point que c’est même dribler au football (il vircouette a son laizir den la carrey rennaeze). S’en découlent donc naturellement vircouettae ou vircouettouz (sinueux) ainsi que vircouetteriy (suite de virages, sinuosité).

Autre formation suffixale bien attestée, c’est le virvaod. Il est bien attesté au sens de fronce, pli à un vêtement qui descend (mez chaocettes font dez virvaods). Par proximité phonétique avec virouaod, il désigne aussi le treuil et virvaoder vaut aussi pour treuiller. Mais ce verbe reprend le plus souvent tourbillonner (le vent virvaode) et l’adjectif virvaodae répond au résultat (versé dans tous les sens).

À vire, vient encore s’ajouter voùce, reprenant ainsi le français virevolte. Son champ sémantique en diffère quelque peu. Une virvoùce désigne un virage, un zigzag (il en fezaet dez virvoùces ; dez virvoùces de caleuvr). Une route peut être a virvoùces (en zigzags). À partir de ce radical, nous avons virvoùcer (zigzaguer, serpenter), virvoùçae (sinueux, en virages, tortueux ; la route ét toute virvoùcey) ainsi que le diminutif virvoùcèo (pl : virvoùciaos ; la riviere faet dez virvoùciaos).

Plus proche de virevolter, nous avons virvoùter. Les dérivés connus sont virvoùtey (virevolte) ainsi que virvoùteriy (action de virevolter).

Une forme différente virgouce apparaît localement près de Lamballe accompagnée des dérivés comme virgoucer, virgouçae avec les mêmes valeurs sémantiques. Il n’est pas sûr toutefois que le second élément soit de même origine car si le –g- peut être une évolution de –v- (à l’instar de égalher<> évalher), il devrait apparaître une diphtongue, ce qui n’est pas le cas ici.

On peut cependant dire que la dérivation suffixale de vir- reste assez libre et se construit en fonction de son expressivité.

On connaît donc aussi un vircolet ou une virvoche pour un tournant, un virage et virvocher pour zigzaguer. Il y a aussi virvoler (virer+voler) au sens de virevolter et une virvoley pour un zigzag (il taet a faere dez virvoleys sus la route).
    De manière plus décalée, on a encore viretoqer (loucher), un vireberqhin pour vilebrequin à cause de son mouvement lorsqu’on s’en sert. Une virago est une personne folle, ce qui s’éloigne de son sens français.
    Les avirons sont les chaîntres (garder les vaches ao long den lez avirons) sans doute parce qu’ils environnent le champ.
    À noter enfin le curieux terme virlitobout pour désigner une tranche de pain, mais qui a été découpée horizontalement et non verticalement comme c’est l’usage. Faut-il le comprendre comme la contraction d’une expression ironique vire-li-ton-bout ?

À tous ces afixes, s’ajoutent aussi de nombreux noms composés.

Le vire-galette, comme son nom l’indique, est la spatule à crêpes.

Recevoir ûn avire-mouches, c’est recevoir une gifle. Elle peut être flanquée en un vire-maen ou en un vire-moment, autrement dit, en un instant, en un clin d’oeil.

Vous ne l’avez pas vu venir si vous êtes un vire-la-lûne (atteint de strabisme).

À tout ceci, s’ajoutent les expressions étr en vire-qhu ou même étr en vire-couette pour être en mauvais termes. Peut-être aussi êtes-vous sorti de vire-boùzes, c’est-à-dire, né dans une famille d’agriculteurs ?