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Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Fade - Fatigae"


FADE - FATIGAE


Le latin fatuus s’est prolongé en français par l’adjectif fade. En gallo, il a suivi des chemins qui l’ont amené vers d’autres sens à travers des dérivations intéressantes.

Dans les parlers romans du Moyen-Âge, fade était bien attesté puisqu’on le retrouve en 1170 au sens de faible, mou, sans force. C’est cette acception que le gallo va conserver.

Il conserve aussi dans un premier temps la consonne sourde du latin avec fate au sens de mou, épuisé (on ét-ti fate par un temp paraelh, en parlant d’un temps lourd). D’ailleurs, ce temps, c’est de la fatûme (qheu fatûme !). De là, on devient fatouz (fainéant, paresseux, nonchalant, mou). Cet état de paresse engage le sens à s’étendre à celui de crasseux, sale, si bien que la fate, c’est aussi la crasse, la saleté. Afatae apparaît alors au sens de sale.


Revenons à fade. Le gallo le retient surtout en verbe du 2ème groupe : fadir. Celui-ci recouvre principalement le sens de reculer, céder, faiblir, fléchir, s’incliner face à un adversaire (je ne fadissaes pas e je tenaes piet ; je mourraes avant de fadir, peut-on lire dans un conte de Paul Sébillot). Ne trouve t-on pas alors dans « Putôt mourir qe de fadir » une traduction à la devise de la Bretagne « plutôt la mort que la souillure » ?


Ce verbe étend son emploi au sens de pâlir, affadir, refroidir (pour de la viande), d’où l’adjectif fadi entendu pour pâle. Un autre verbe à caractère dépréciatif lui fait suite, fadissalher (céder, s’infléchir).

L’antonyme est tout simplement défadir (reprendre du poil de la bête ; v’la lez blleus qi se défadissent). Parmi les substantifs relatifs à ce radical, seul nous est parvenu faduchet (gringalet, être décharné) pour lequel il faut signaler là encore l’esprit péjoratif.


Une autre dérivation s’est construite sur le préfixe ca-. Le verbe cafater est polysémique. Au sens concret, c’est friper, chiffonner. Ce dernier sens est repris au figuré avec ses synonymes (importuner, ennuyer, tracasser ; ne laz cafate pas, al ét trop rechigney).

L’emploi à la voix pronominale est parfaitement avéré et se cafater, c’est se tracasser, se creuser les méninges (ne te cafate pas pour ella). L’adjectif cafatae est courant pour chiffonné, fripé, froissé, abîmé (pour un chapeau). Mais il est probable que c’est le sens figuré qui a précédé le sens concret car cafatier est l’adjectif qui décrit une personne alanguie ou qui est morose, déprimée, cafardeuse.


Bien que le lien n’apparaisse pas clairement, nous ajoutons ici fatige.

En effet, le latin classique fatigare est attesté au sens de « épuiser, tourmenter ». On ne retrouve ensuite fatiguer qu’au début du XIV° siècle avec le sens de « épuiser ses forces par un effort long et pénible ».

Si ce sens de la fatigue est plutôt tenu en gallo par lasser, on retrouve néanmoins fatigae au sens de malade, voire très malade (Artur, il ét fatigae, li faot pas de vizites). D’où se fatiger pour s’esquinter. Phonétiquement, il arrive aussi qu’on entende une consonne sourde à la place d’une sonore (fatiqe, fatiqer au lieu de fatige, fatiger) et ceci jusque dans les dérivés (fatiqant pour fatigant).

Bien entendu, les antonymes sont aussi présents. Défatiger, défatigant, même si le français leur préfère reposer, reposant, sont d’usage courant en gallo avec des sens plus propres au français.

Également repris au français qui l’a lui-même emprunté au provençal, effatuae traduit donc infatué. La racine du mot est aussi dans le latin fatuus, mais sous un deuxième sens, celui de sot, fou, insensé.