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Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Nid"


NID


     Le latin nidus n’a guère évolué depuis 2000 ans puisqu’on le retrouve aujourd’hui sous la forme nid sans que son sens ait varié. Nijer (faire son nid) est très probablement en rapport avec le même étymon. La dérivation autour de ceux-ci est plutôt productive dans notre langue.

    Les dérivés les plus anciens passent par l’amuissement du d intervocalique. On obtient ainsi un niao (nichet ; mets ça de côtae, ça fera un niao) ou une niey (nichée).

    Ce d étymologique n’apparaît dans aucune dérivation.
    Il en est de même dans les langues voisines (normand, poitevin). C’est le j qui apparaît dans les parlers romans depuis le Moyen-Age. On le retrouve donc dans nijer (faire son nid, nicher) d’où, à la forme pronominale, le sens de s’installer et par extension, de se marier.
    Anijer, c’est mettre au chaud comme dans un nid, d’où par extension, se réfugier ou faire ménage ensemble (lez chiens s’anijent od lez diots).
    Les poules se retrouvent au nijoer ou à l’anijoer.
    Le printemps est la période de l’anijeriy (nidification) pour les oiseaux. Une nijey (ou parfois nijerey) représente une nichée, une ponte ou une portée.

    L’emploi du nichet était si courant que sa désignation a varié : outre niao cité plus haut, on entend anijalh comme nijet ou anijet entre autres. Celui-ci est déposé dans l’anijoere (nichoir).

    On va bien sûr retrouver les privatifs comme dénijer (dénicher). Par extension, le dénijouz (dénicheur) qui dénije lez poules ramasse en fait les oeufs sous la poule au nid.

    Nijot (ou nijon) concurrence murjot pour désigner le fruitier. On peut donc aussi mettre les fruits a nijot, on les nijole (conserve, met à mûrir). Ceux-ci nijolent (mûrissent en conserve), ce qui peut s’étendre au mûrissement d’une idée ou d’un projet. On comprendra donc qu’une nijotey désigne aussi bien une nichée que l’ensemble des fruits à mûrir. Un nijot (ou nichot) représente donc une réserve alimentaire.

    Mais pour nijot ou nijon, c’est surtout l’adjectif qui retient notre attention. On le retrouve aussi sous la forme nijant. On sait à quel point la fabrication du nid est méticuleuse, fastidieuse. C’est donc cette acception que prennent les adjectifs gallos.
    Un travail nijant est un travail complexe, délicat, compliqué, minutieux. Par extension, c’est aussi un travail ennuyeux, lent. Nijoter (ou nijoner), c’est effectuer un travail méticuleux, travailler soigneusement. Le substantif nijoteriy qui en découle va donc désigner un travail fastidieux et se rapporter à la méticulosité, la complexité.

    Les préfixes ca- ou car- s’associent aussi fréquemment au radical nij- pour marquer le confinement.
    Un chien aimera se canijer ou se carnijer (se rencogner, se coucher confortablement).
    Un canijot ou un carnijot représente un nichoir, un abri, voire une cachette, une planque, un recoin, d’où se canijoter pour se blottir, se pelotonner.
    Par extension, les carnijots peuvent exprimer l’idée de coulisses. Être carnijae, c’est aussi être embusqué et la canije, c’est aussi la niche.

    D’autres préfixes contribuent également au développement de ce radical.
Une fournijey exprime l’idée d’une nichée importante.
Abournijer signifie « recouvrir d’un vêtement chaud », d’où embournijer (emmitoufler, envelopper) et débournijer (découvrir, exposer).
    Débournijer ou débournicher (par glissement phonétique), revient à débusquer un gibier. Se débournijer ou se débournicher, ça peut aussi être « sortir de son trou ».
    Décanicher, c’est tirer un volatile de son nid.

    Autre développement particulier, celui d’énijon au sens de « petit animal adopté » ou « élève », voire « pupille ».

    Parmi les mots composés, nous connaissons anije-bouriers (nid à poussière) ou anije-poùssiere (objet abandonné sur lequel la poussière s’accumule).

    Par la confusion phonétique entre le j- et le ch-, on va entendre indifféremment anijer comme anicher (ramasser ; cez pilhots ne sont bon q’a y anicher de la vermine).
    Un anijouz de poules s’entend pour un bon à rien, un incapable (on sait que les poules savent se nicher toutes seules).
    Combinant les préfixes, aqenicher revient à appâter, affrioler, inciter, d’où aqenichalh (ramassis). Sans doute subit-il aussi l’influence de aqenilher.

    Niche semblant être de même étymon est souvent confondu avec nije.
    Ce dernier s’entend donc aussi pour la niche à chien comme pour le bercail.
    Les allées couvertes sont parfois désignées comme les nijes a Gabinaod (niche du diable).
    Par son caractère générique, nije a un sens qui s’étend jusqu’à clapier (nije a lapin).