ACADEMIY DU GALO

Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "Naez"


NAEZ


         Provenant du latin nasus, comme le français nez, le gallo naez désigne donc l’organe de l’odorat et de la respiration. Mais c’est le sanskrit nasa qui sert de base à de nombreuses langues indo-européennes comme l’anglais nose ou l’allemand Nase. Commençant par une nasale, il n’y a rien de surprenant à lui découvrir une origine onomatopéique.

    Par extension, il désigne aussi le visage, la figure. Il est à ce point en évidence qu’on dira « j’ae pas veù son naez » pour « je n’ai pas vu son visage ». Se retrouver face à face se traduit par « naez a naez ». Donc, pour confronter 2 antagonistes, on les met naez a naez (eh oui, un face-à-face télévisé est un naez-a-naez). Le caractère emblématique de cet organe fait qu’une personne qui apparaît arrache son naez. L’expression évoque d’ailleurs souvent la naissance (c’ét la qe j’ae arachae mon naez).

    Il en est de différentes formes. Celui qui a le naez en piet de chaodron ou le naez rebiqhae l’a en trompette. Mais on va voir plus loin qu’à ces formes du nez, s’attachent des caractères expressifs.

    Comme on l’a noté plus haut, son sens figuré d’odorat, de flair était déjà en vigueur en latin. Le gallo n’y déroge pas : avair du naez, c’est avoir du flair, mais aussi par extension, de l’intuition (il a zeù le naez d’ajheter avant qe ça seije trop cher). Cette faculté de l’odorat est particulièrement développée chez le chien, qu’il n’est pas rare de voir faere du naez sur sa nourriture si quelque doute lui apparaît sur sa qualité. Au contraire, une bonne odeur nous tord le naez (excite nos papilles). Car le nez comme on le voit est objet d’excitation et d’ailleurs doner du naez, c’est aussi inciter (ça va li doner du naez a revenir cez nouz).

    Mais le naez est aussi l’organe qui exprime la curiosité. Le curieux aime bien lever du naez ou porter sez pertuz de naez. En flânant, il pourra pendr du naez (même sens). Par extension, un naez creuz sait tirer les vers du nez.

    Le naez contribue aussi à exprimer l’ivresse comme en français, mais sous un angle différent. En gallo, on parle d’avair le naez sale en plus d’avair un coup dans le naez. Comme en français, la consonne /z/ a provoqué un allongement avec une flexion de /a/ vers /e/, mais la voyelle originelle se retrouve dans la dérivation. Le gallo nazèo (pl : -iaos) répond au fr naseau. Une nazey, c’est une cuite (cf l’expression populaire « avoir un coup dans le nez »). On entend aussi nazilhe (narine) et naziner (nasiller). Populairement, le nazot représente le pif. Autres dérivés : naziboter pour nasiller et nazibotouz pour nasillard ainsi que renazilher pour renifler (non pas au sens de sentir, mais celui de renifler quand on est enrhumé). Dans ce dernier cas, on a le naez qi coule come un faosset, c’est-à-dire la goutte au nez).

    Par contre, les sens figurés se dégagent à travers nazer (épier, faire le curieux), nazouz (celui qui fait son curieux) et nazeriy (curiosité mal placée). Ce caractère figuré est repris dans l’expression « foutr sus le naez a qheuq’un », ce qui signifie lui faire des reproches, des remontrances. S’il est dépité, il va alors élonjer du naez et donc faire triste figure.

    L’appendice nasal sert souvent de point de départ à des expressions péjoratives. Ainsi, du naez-de-bode (mot-à-mot, nez de génisse) qui s’applique à un nez camard ou du naez-de-beu qui représente un crétin, un « gros bourrin ». C’est d’ailleurs au sens figuré qu’on retrouve le plus souvent ces expressions. Le naez-morvouz désigne le coupable, ou du moins celui qui est fautif. Le naez-sentin révèle l’importun, le curieux (étymologiquement, celui qui vient sentir) au même titre que le pend-naez. D’ailleurs, les leve-naez savent lever du naez, autrement dit, s’avérer être curieux, indiscret. Mais surtout, les haoce-le-naez se font remarquer par leur orgueil et leur arrogance.

    Dans le domaine animal, les naturalistes pourront décrire le naez-cane (canard chipeau) par la forme de son bec. De leur côté, les adeptes de la flore feront la description du saegne-naez qui traduit l’achillée mille-feuilles. Cette plante a en effet la propriété de faire saigner du nez quand on l’introduit dans une narine qu’on peut aussi renommer pertuz de naez dans un contexte plus péjoratif.