ACADEMIY DU GALO

Académie du Gallo


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Les Dossiers linguistiques de l'Académie du Gallo

La Pepineray : "BOÊZ"


BOÊZ


    Ce mot est venu du germanique *Bosk (comme l’angl bush ou l’allemand Busch, langues dans lesquelles ces mots recouvrent le sens de « buisson »). Le domaine latin bordant la Méditerranée a plutôt conservé des dérivés de silva. Son évolution phonétique en gallo est celle du francien avant que sa diphtongue n’évolue en /wa/. L’est de la Haute-Bretagne connaît d’ailleurs une prononciation intermédiaire /wɑ/.

    Il désigne un groupe d’arbres, mais aussi la matière de celui-ci. En fait, pour le premier sens, il n’est pas rare qu’il aille vers des dérivés comme boêssiere ou boêzilhon. Le premier paraît influencé par le français en raison de la consonne /s/. En effet, le gallo développe ses dérivés plutôt à partir de la consonne /z/. C’est ainsi qu’un boêzier ou un boêzilhouz désigne le bûcheron qui est aussi un garc de boêz.

    Par extension, les haot boêz désignent la campagne profonde (j’ae tourjous sonjae qe l’aer dez haot boêz taet meilhour).

    Mais boêz peut désigner aussi un seul arbre (y a cinq boêz den mon jardrin) et sert de terme générique pour en nommer l’espèce (boêz de crei, sapin ; boêz d’ébène, ébène ; boêz de pourcèo, boêz de chen, érable ; boêz joli, boêz punaez, bois de Ste-Lucie ; boêz de piet, broussailles ; lie-boêz, chèvrefeuille ; haot-boêz, sureau ; boêz-a-la-beyte, troène ; boêz bllanc, peuplier ; boêz de veigne, sarment). C’est aussi le cas pour la destination (boêz d’émonde, émondes). Ce caractère générique s’étend parfois à la faune (pourcèo de boêz, sanglier ; roqe-en-boêz, grimpereau).

    La dénomination boêz peut recouvrir tout ce qui est constitué en bois comme un bâton ou un gourdin (demenier la roche od un boêz) ou le parquet (ol chaeyit sus le boêz de sa chambr). On entend aussi le boêz de tas, le boêz de berne, le boêz de perchot lorsqu’il s’agit de désigner la perche qui servira de pivot à la construction de la meule de paille. Le boêz de corde, lorsqu’il s’agit d’un objet, qualifie le levier du treuil qui servira à serrer la corde de la charrette.

    Étant la matière première pour le feu, l’extension allait jusqu’à nommer du boêz a fourn le grand ajonc, en complément du gros boêz (bois de chauffage), l’amplitude sémantique allant même jusqu’à recouvrir le sens de fanes de pommes de terre. Des navets qui ont durci sont en boêz (ligneux, fibreux). On voit même sous ce sens le nom repris en adjectif (du brule-galetier, c’ét pus boêz qe la lamberje, le chénopode est plus ligneux que la mercuriale).



    Des développements apparaissent comme boêze (poussière comme celle qui se glisse dans l’œil) et qui désigne une particule née du bois ou même une arête de poisson.

    C’est d’ailleurs pour la matière qu’il va développer de nombreux dérivés. Le travail du bois y contribue. Le charbonnier peut être nommé boêzetier parce qu’il vit dans les bois. Mais on connaît mieux le boêzaije (boiserie, charpente en bois) comme la boêzeriy ou la boêzeùre (idem). Ce dernier terme s’applique à la pièce maîtresse en bois, disons le chassis de la charrette. L’emboêzeùre dénomme la charpente en bois, l’ossature (a Notr-Dame de Pariz, ét toute l’emboêzeùre q’a brulae), d’où l’emboêzouz pour le charpentier en bois et l’emboêzeriy pour son travail.

    Le menuisier connaît le boêz dormant (chambranle) comme le petit-boêz. Cependant, ce travail du bois peut être purement ludique. C’était le cas autrefois des jeunes gardiens de troupeaux qui pouvaient boêzilher (sculpter au couteau).

    Parallèlement au français, on entend boêzer (boiser) comme boêzement pour contrer le déboêzement. De même, se développe l’adjectif boêzae (boisé mais aussi filandreux). D’autres suffixes sont en cours comme boêzouz (poussiéreux, ligneux) ou boêzu (ligneux). Ce dernier suffixe s’attache plus à la nature qu’à l’aspect. Cette dérivation va alors recouvrir le sens de poussiéreux ou plein d’arêtes pour boêzouz, d’où déboêzer pour retirer des arêtes ou s’emboêzer pour s’étrangler avec une arête. Boêzu recouvre plutôt le sens de osseux.

    Outre les locutions nominales esprit-de-boêz qui désigne l’alcool à brûler et lange-de-boêz qui évoque l’enflure des machoires de la vache, de nombreuses expressions vont tourner autour du boêz. Il vous est sûrement arrivé de goûter du jus du boêz torsu (jus de la treille). Un arbre fruitier peut être chargé de fruits a boêz romp (à tout rompre). D’une fille qu’en français, on qualifierait de bien moulée, on dit qu’elle est ben foutue sus son boêz. Ce n’est pas elle qui présentera une fighure de boêz (un visage austère). Car terouer fighure de boêz, c’est aussi trouver porte close. Disons qu’aujourd’hui, on parle de fin de non-recevoir.