Il nous reste à aborder la vocalisation du L attachée aux voyelles /i/ et /ɔ/.
Il nous paraît difficile de les traiter de la même façon, sous –io ou *–oo.
Dans le premier cas, ce digraphe est déjà utilisé pour un yod comme en français (berioche, diot, épiochon, etc).
Dans le second, le redoublement d’une même voyelle s’avère non viable dans une langue romane. Cependant, nous pouvons retourner aux sources de cette évolution phonétique en reprenant la marque de la vocalisation, la voyelle U.
Celle-ci était d’usage en latin pour marquer cette prononciation /u/ (ou). Pour exemple, ceux qui assistaient à la messe dans leur enfance se souviennent certainement d’avoir entendu la prononciation en « ou » de « Dominus vobiscum ».
Mais le problème n’est pas réglé pour autant. En effet, la simple voyelle « u » risque bien d’être prononcée telle quelle dans le digraphe « iu » comme le français « sciure » ou « diurne », même si elle ne se retrouve qu’en finale.
On lui adjoindra donc un accent grave qui induira son caractère diphtongal. Cette diphtongue reste assez rare, même si ce sont des mots courants qui l’attestent (courtiù, fiù, outiù, sourciù).
Sa prononciation est donc logiquement /iw/. Mais, confinée dans sa représentation en finale, cette diphtongue n’est entendue qu’au sud en deça du Don. Au-delà, on n’entend simplement la voyelle /i/. L’accent sur le « u » participe aussi à la séparation des 2 voyelles à l’écrit.
Cette prononciation est uniforme au sud quelque soit le nombre. Mais n’étant relevée qu’au singulier au nord, elle y connaît une évolution en –ieùs au pluriel. Ce point de graphie sera vu par ailleurs.
Remarque sur les 3 points précédents
La différence de pluriel entre le nord et le sud tient à un décalage dans l’évolution chronologique. Car la vocalisation du L n’est qu’un élément de la complexité dans la transformation des parlers romans.
On peut remarquer que les S du pluriel ne sont jamais prononcés, que ce soit en français ou en gallo. Ce n’était pas le cas au haut Moyen-Age.
Mais sur la partie septentrionale, l’amuissement du S final a entraîné l’allongement compensatoire de la voyelle précédente, ce qui signifie que le L s’était déjà vocalisé. Ce n’était pas le cas au sud où il s’était conservé, même après la chute du /s/ du pluriel.
Ce dernier étant absent au moment de la vocalisation, il n’a pas pu entraîner d’allongement de la diphtongue et c’est ainsi qu’on retrouve un singulier identique au pluriel (chapèo → chapèos, chevao → chevaos, courtiù → courtiùs).